Chronique du fond de l’air 13 :
« L’oreille est le chemin du coeur. » (Voltaire)
Mozart nous apprend que « La musique est le langage des émotions. » Langage universel car de sons, de rythmes et de mélodies seuls. Langage des oiseaux. L’oreille entend, mais c’est tout le corps et le coeur qui écoutent, vibrent, dansent…
La musique peut aussi venir de la nature. Oh !.. le bruissement du vent dans un pin parasol… la douce mélodie du sac et du ressac… la symphonie des crapauds et grenouilles au printemps dans le marais…
Ecouter de la musique en méditant, quand toute idée et expérience d’un moi personnel a disparu est toujours un indicible voyage. Devenir la musique que l’on écoute. Avoir désormais, dans le silence des mots, un corps de rythmes et de mélodies. Virevolter dans les sphères célestes avec Bach, s’écouler en fleuves profonds avec Schubert, miroiter en milles reflets avec Debussy…
Mais aussi, dans une sorte de satori musical, un bruit du quotidien peut soudain nous happer et nous emmener hors de soi dans son rythme. Ainsi, Roumi qui un jour dansa dans le souk des orfèvres au son des martellements sur l’or. Le Maître artisan avisé demanda à ses ouvriers de continuer à frapper tant que Roumi danserait. La danse des derviches tourneurs serait née ce jour là. Danse humaine et danse cosmique.
D’un son primordial naquit le monde
et puis tout se mit à vibrer
à chanter à danser
Voltigez atomes, astres, galaxies
notes sur les partitions
sons sur les instruments…
Kaylhan Kaylhor / Toumani Diabaté (live)
https://www.youtube.com/watch?v=vxmJCk9J5fE&list=RDEMtm03z3zkXOK8-6vpXYBFaA&index=2
Chronique du fond de l’air 14 :
« Les animaux ne regardent qu’avec leurs yeux, nous, les humains,
nous regardons avec notre folie. »
Wajdi Mouawad
Photo de T.F. Panda en Chine
Son espace vital s’étant considérablement réduit,
le panda de Chine, ce mangeur de pousses de bambou, est menacé de disparition.
Le gouvernement chinois réagit en protégeant des espaces sauvages
et en élevant des pandas qu’il relâche en milieu naturel dès que possible.
Louables actions de sauvegarde.
Ainsi, les hommes tentent-ils de réparer ce qu’ils ont eux-mêmes détruit.
De réparer un tant soit peu notre folie de se séparer de notre mère nature,
et de traiter nos soeurs et frères animaux comme des objets à notre disposition…
Folie pour l’homme de se croire maître de la nature et des animaux,
alors qu’il n’est pas maître de lui-même,
que l’orgueil et le désir de possession sont souvent ses seuls viatiques,
qu’une avidité aveugle le mène à sa guise !..
Alors que la survie des hommes sur cette si jolie planète bleue est en jeu,
l’homme ne doit-il pas de nouveau faire alliance avec la nature
et ses soeurs et frères animaux…
Lui-même animal doué de raison, et de tant de déraison !..
Ainsi, pour sa propre survie, l’espèce humaine est condamnée à la sagesse.
Condamnée à reconnaître et juguler son avidité.
A reconnaître la folie de ses ignorances et illusions de puissance.
Condamnée à reprendre sa juste place.
Pour l’homme accompli qui s’est transcendé lui-même, tout est Un.
Un même souffle anime toutes choses.
Une même lumière nourrit tous les êtres.
Il est tout ce qui existe, la source, et l’au-delà de tout…
Oh ! laisser sa nature profonde s’exprimer
Laisser la nature du monde suivre son cours
et, vacant, joyeux, chanter, danser
l’indicible brise des instants…
https://www.youtube.com/watch?v=5LOFhsksAYw
Camille Saint Sans « Carnaval des animaux »
Chronique du fond de l’air 15 :
Rangit Maharaj (tableau de Serge Millet)
Jours de dévotion à Rangit Maharaj et sa lignée en Bretagne…
Mais je lui laisse la parole :
« Quand un être réalisé parle, ses paroles viennent
d’au-delà l’espace, d’au-delà du zéro… »
« Une fois que vous avez compris la Réalité,
que vous reste-t-il à faire ?
Il n’y a rien à faire.
Seulement rendre grâce à
Celui qui vous a enseigné ces choses,
vous et Lui êtes Un... »
Pourquoi allez-vous prier au temple ?
Vous y allez pour voir une idole.
Soyez vous-même l’idole.
Voyez tout et dites que rien n’est vrai.
Ayez un tel courage !.. »
« Dans la Réalité finale,
il n’y a ni vous, ni je,
ni mental, ni pensée.
Ceci est votre état.
Vous êtes Lui,
alors qui aimer et
qui ne pas aimer ?
L’amour n’est que dualité. »
« C’est au prix de vous-même
que vous devez accomplir
ce qu’est votre Soi,
c’est ce qu’apprécie véritablement
le Maître »
Kaushiki Chakrabarty : A devotional Bhajan in raga Bhaivari
https://www.youtube.com/watch?v=-FuW2ZcgOmA
Chronique du fond de l’air 16 :
« Ne rien faire est un métier très difficile.
Il y a peu de gens qui sauraient le faire »
(Christian Bobin)
Les vacances de M. Hulot
https://www.youtube.com/watch?v=SZGUIpdc0i4
Sous nos latitudes, juillet et août sont les principaux mois de vacances,
c’est la période du bel été, et d’un temps généralement beau et chaud…
Depuis le 20ème siècle, dans les pays riches,
tout un chacun a droit à son temps de vacances,
de temps libre, de déplacements, de loisirs plus ou moins organisés…
Le mot « vacances » vient du latin »vacans »,
être libre, innocupé, disponible…
Il a la même origine que « vacuitas »,
espace vide, absence de quelque chose,
qui a donné en français le mot « vacuité ».
Les vacances sont une vacance d’activités obligatoires.
Sont-elles pour autant une période de vacance ?
D’oisiveté, de vacuité bienheureuse, de disponibilité à l’imprévu…
Il semble que pour beaucoup,
il faille combler ce vide qu’on ne saurait supporter…
Le chercheur de lui-même, tout au contraire,
recherche cette vacance en lui
et hors de lui…
Il crée par le recueillement, la contemplation…
de la vacuité en son sein
jusqu’à devenir un temple vide,
où le plus naturellement siège
en deçà de tout espace et temps
notre Réalité primordiale…
Le seul travail du Réveillé
est de garder vacant le temple de son coeur
et de laisser à « son Père le Vivant »
toute la place…
Chronique du fond de l’air 17 :
« Allah a préparé pour ceux qui croient en lui
des jardins sous lesquels courent des ruisseaux.
Ils y demeureront toujours, c’est la plus grande félicité »
(le Coran)
Je suis extraordinairement riche.
Je dispose pour une tranche de vie
d’un p’tit morceau d’une planète bleue.
Jardin.
Rencontres et dialogues
entre de la nature
et de la culture…
Jardin.
Espace minéral et temporalité végétale.
Aussi, danses
avec le paysage…
Laisser pousser du sauvage.
Marier arbres, arbustes, fleurs, potager.
Art du regard, de la patience, du ressenti…
Je suis. Nous sommes, infiniment riches.
En chacun, à l’intérieur, attend un jardin.
Un jardin, où poussent des fleurs de lumières.
Fleurs.
Comme coeurs
Qui pulsent
tout en incandescence…
Fleurs.
Jaillies d’un insondable sol.
Qui ne connait
ni mort, ni naissance.
« Les jardins de lumière appartiennent
à ceux qui ont vécu détachés »
(Amin Maalouf)
Debussy : Arabesque n° 1 (Ciccolini)
https://www.youtube.com/watch?v=Yh36PaE-Pf0
Chronique du fond de l’air 18 :
(Bruissements du monde…)
photo T.F. ( « Ombre et lumière...)
Ecrits de migrants dans des chaussures. (Festart / Libourne 2019)
Longtemps, écrire me sembla trahir,
semer du noir sur l’immaculée et parfaite blancheur…
Dorénavant, je laisse courir les mots
et, je sais que l’immuable
n’en-est point affecté…
Les mots naissent, dansent
et s’en retournent
en deçà de la source…
« Ecrire c’est
mesurer ses mots
à l’aune de l’abîme
Jeter sur le gouffre
les blancs papillons
du rêve
Ecrire c’est
dresser des remparts de cristal
aux frontières invisibles
Semer des étoiles
de rosée
sur le silence
Ecrire c’est
tisser
une arche de lumière
Dessiner des murmures
sur la nuit
limpide »
(Thierry Faye)
https://www.youtube.com/watch?v=gpnIrE7_1YA
(Hilary Hahn: Paganini / Caprice 24)
Chronique du fond de l’air 19 :
(Bruissements du monde…)
photo T. F.
Automne ,
dans le sud ouest de la France,
terre d’océan, de landes et de vignes…
Lumière
tempérée, fruitée…
On la dirait issue d’un tableau de wermeer.
Elle éclaire le monde,
mais elle est aussi vivante
par et pour elle même.
Elle nourrit l’âme de douceur et d’or.
Flambeau qui enflamme
un autre flambeau.
L’âme aussi, lumière.
Lumière du dedans,
du dehors…
Une seule et unique source.
Une seule et même
Lumière.
Lumière de vie,
de connaissance,
d’illusion…
Lumière, ton coeur,
cathédrale obscure
qui ne se connaît pas elle-même.
Chronique du fond de l’air 20 :
(Bruissements du monde…)
« L’émerveillement est la demeure du sage. »
(Nanan-Akassimandou)
photo T. F. (les Eyzies : pays de l’homme)
Rien n’est plus simple et profond
que l’émerveillement
Plus encore qu’une rencontre
avec le beau le surprenant
Oh le scintillement de la rosée
sur une toile d’araignée
Un rire cristallin d’enfant
La frèle mésange qui
s’ébat dans une flaque
La rêverie d’un glacier…
L’émerveillement est une disposition
de l’esprit et du coeur
Présence inconnaissance disponibilité
étonnement unité
Pour Platon « L’émerveillement est une entrée
dans la sagesse »
Le sage a lâché la connaissance
Alors idiot savant
A travers lui c’est le monde
qui contemple et se reconnaît
« Dans le vieil étang
Une grenouille saute
– Un ploc dans l’eau »
(Haïku de Bashô)
Chronique du fond de l’air 21 :
(Bruissements du monde…)
« Portez plutôt votre regard vers le centre,
c’est là qu’est la salle où se tient le Roi, et
imaginez cela comme un coeur de palmier
auquel il faut oter, avant d’arriver à ce qui
est comestible, plusieurs couches d’écorces
qui protègent la chair savoureuse. »
(Thérèse d’Avila »
Hans Hartung (expo musée d’art moderne de Paris)
Enfant, puis jeune garçon,
J’ai failli mourir de faim…
Pas de faim alimentaire bien sur,
Mais de faim culturelle, (affective aussi, mais moins)
Quand vers quinze ans, j’ai vraiment rencontré la culture
(livres, cinéma, puis un peu plus tard musiques, peintures, sculptures…)
Je me suis jeté dessus comme un mort de faim,
Et j’ai dévoré tout ce qui se présentait…
Enfin, je rencontrai qui écouter, et à qui parler.
Qui allait donner formes à ma sensibilité et mes souffrances intérieures.
Qui allait initier ce voyages vers les abysses toujours plus profondes
au coeur de moi-même.
Et ce voyage ne s’est jamais arrêté.
Toujours plus profond vers le plus intime.
Les sensations, les émotions, les pensées, les désirs
Furent de bons guides.
Puis tous devinrent inutiles, en trop…
Le voyage continua sans mots,
Dans la lumière éblouissante et auto – connaissante
de l’Etre.
Et encore plus au centre, au-delà de toutes connaissances et repères…
Dans l’absolument autre, qui est pourtant l’unique identité.
A la rencontre de
« La chair savoureuse » de soi inconnaissant.
Chronique du fond de l’air 22 :
(Bruissements du monde…)
« L’âme est une symphonie. » (Hildegarde de Bingen)
» Voici qu’en la quarante-troisième année de ma course temporelle, comme, toute saisie de crainte, esclave de ma volonté hésitante, je tenais (mes regards) attachés à une céleste vision, je vis une grande splendeur ; et, dans cette splendeur, une voix qui venait du ciel me dit : O homme (femme) fragile, cendre de cendre, corruption (issue) de la corruption, dis et écris ce que tu vois et entends. »« Et moi ; sans connaître les lettres, à la manière des forts, n’ayant pas été instruite par leur enseignement, mais malgré ma débilité, (frêle côte d’Adam), étant toute pénétrée du souffle mystique : j’ai vu comme un feu resplendissant, incompréhensible, inextinguible, plein de vie, et toute vie, dont la flamme était couleur d’air, et brûlait ardemment sous un souffle léger ; et cette flamme était aussi inséparablement unie au foyer lucide, que le sont les entrailles au corps humain. »« La lumière que je contemple n’est pas liée à l’espace. Elle est beaucoup, beaucoup plus vive qu’une nuée porteuse de soleil. Je ne puis en déceler ni la hauteur, ni la longueur, ni la largeur. On me dit que c’est « l’ombre de la lumière de la vie ». De même que le soleil, la lune et les étoiles se reflètent dans les eaux, les écrits, les discours, les énergies, et certaines œuvres des hommes deviennent pour moi lumineux… »
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« En cette lumière, je vois parfois, mais point souvent, une autre lumière qu’on me dit être la lumière de la vie. Je ne puis dire quand et comment je la contemple. Mais tant que je la contemple, toute tristesse et toute angoisse me quittent : je me sens comme une toute jeune fille naïve, point comme une vieille femme. »
Ainsi parlait , entre autre, l’unique Hildegarde de Bingen.
Mystique, thérapeute, compositrice, peintre, écrivaine, Abbesse …
Une des grandes lumières de l’Occident médiéval.
Ses visions et son vécu sont ceux d’un être total.
A la fois tellement humaine et si complètement imprégnée du Feu de vie.
Hildegarde de Bingen, tu ne donnes pas à croire.
Tu donnes à voir.
Tu enflammes cel(le)ui qui comme toi est flambeau
Vivant.
Chronique du fond de l’air 23 :
(Bruissements du monde…)
« Le beau est toujours bizarre. » (Charles Baudelaire)
« Rien de beau ne peut se résumer. » (Paul Valéry)
« Le beau c’est l’imprévu. » (Thomas Bernhard)
Photo : Romain Faye
Blanche onde
Paix sur l’estuaire
Au ciel
ramures dénudées
Graphisme
Plus loin des carrelets
Pêcher des perles d’infini ?
On ne cherche pas le beau
On le rencontre au hasard de ses pérégrinations
(Je visite les musées, comme on erre dans un paysage…)
Toujours surprenant, décoiffant…
Le coeur accélère, l’esprit se tait, sidéré
Temps aboli, espace sans limites…
« L’éternité retrouvée ?
Le soleil, allé avec la mer ? *
On ne crée pas le beau
On crée des conditions pour que peut-être
l’évènement « Beau » surgisse chez un Autre
Paraphrasons encore Rimbaud :
« Il en est même qui s’attribue
les mérites de leur art » !.. *
Le beau, porte sacrée
vers l’ineffable plénitude ?
* du Rimbaud légèrement modifié !..
https://www.youtube.com/watch?v=QqA3qQMKueA
Chronique du fond de l’air 24 :
(Bruissements du monde…)
« Le silence est l’aboutissement suprème
du langage et de la conscience. »
(J. M. Le Clézio)
Photo : T. F. Christian Boltansky : »Animitas blanc » (Beaubourg 2019)
Il n’est de silence qu’intérieur
Le monde est bruits
Bruits des choses des perceptions
des pensées
Sur le chemin de retour
vers la réalité primordiale
Des espaces vont s’ouvrir en nous
de plus en plus silencieux
C’est une route vaste escarpée
de grande solitude
Avec de moins en moins
de repères
On y croise des silences
éblouissants
où l’on entend le bruit
de ses oreilles
Pourtant ne pas s’y attacher
lâcher toute idée de bruit
toute idée de
silence
Silence et bruits
dansent ensemble
sur l’inconnaissance
primordiale
« Là
Tout simplement
Sous la neige qui tombe. »
(Kobayashi Issa)