Quelques notes sur les méditations

Photo : T. F.

 

 

« Il y a autant de méditations que de méditants »
(Rangit Maharaj)

 

     Voici un ensemble de notes, sur mes propres méditations sur les méditations. En effet, la méditation n’est pas une. Sa pratique dépend des cultures et ensuite du voyage de chacun, et de là où l’on en est à un moment donné.. Elle peut être : contemplation, réflexion profonde sans objet, réflexion sur un sujet , concentration sur un objet ou une partie de soi, recherche d’un état, etc.
Les présentes notes s’étayent largement sur mon propre itinéraire pratique et théorique de la quête assidue de moi-même, et sur mon être/conscience actuel. Elles sont bien sur, prétextes à un ensemble de réflexions sur ce parcours qui est tout un, individuel et universel. Voie de vie.

 

Note 1 :

La méditation est attention et concentration :

« Dieu est attention » (Simone Veil)

 

   Simplement, s’asseoir confortablement, fermer les yeux, et essayer par exemple de rester présent à sa respiration. Quelle stupéfaction ! Voilà un exercice tout simple qui devient bien compliqué, avec un intellect qui saute dans tous les sens, tel un singe apeuré, et qui nous entraine sans cesse dans ses histoires.

Première épreuve donc, comment apaiser son mental. Le réflexe est souvent de le contraindre. Mais en le contraignant au silence , on lui donne encore plus d’importance, et en fait on le divise en deux. Une partie qui s’agite en tout sens, et une partie qui fait le gendarme à l’autre. Si on parvient à un silence mental, ce sera un silence armé et vide !
Il vaut mieux apprendre à être juste témoin de son mental, à ne pas vouloir s’en débarrasser, et à laisser les pensées passer comme des nuages dans le ciel. Progressivement, l’attention se renforcera et s’approfondira. A un certain point, elle pourra même n’être attentive qu’à elle même, plus besoin d’objet pour se fixer. Elle est alors pure attention, ciel limpide sur lequel glisse les phénomènes externes et internes.

 

Note 2 :

Les surprises de la méditation :

« J’ai tourné mon regard vers mon regard. » (Roumi)

 

   Nos sens nous entrainent toujours vers l’extérieur, la méditation consiste d’abord à tourner son attention vers l’intérieur de soi, et à clore les autres sens. Cette attention interne devient comme un véritable sens, comme une lanterne qui découvre progressivement un espace totalement nouveau. Encore une épreuve, apprendre à s’y déplacer sans s’y perdre !
Et les surprises sont nombreuses. On y croise des lumières, des joies immenses, mais aussi de sombres angoisses, des Dieux éblouissants, de sinistres tentateurs, des silences suffocants, des nuits d’encre, des blancs étincelants, des lucidités exquises, un amour infini, des vides pleins…
Voilà quelques faibles aperçus d’un incroyable paysage. Pour qui veut voyager loin, il est recommandé de ne pas s’y attacher, de faire comme avec les pensées, laisser passer tout ça… Ce qui compte, ce n’est pas le spectacle sur l’écran, mais celui qui le regarde. Nouvelle épreuve, traquer le méditant lui-même.

 

Note 3 :

Méditation et compréhension :

« La compréhension est réalisation » (Rangit Maharaj)

 

   La compréhension dont il est ici question a deux aspects. Un aspect externe qui est une représentation intellectuelle aussi claire et précise que possible du monde spirituel. Un aspect interne qui est une connaissance directe, intérieure, qui peut se passer de concepts. Elle est au niveau d’un vécu subtil direct.
La connaissance intellectuelle est surtout importante au début, mais ensuite ce que l’on connait intellectuellement, il faut l’intérioriser profondément, puis le mettre en pratique dans la vie de tous les jours, pour que cela soit efficient. La compréhension interne elle, ne s’acquière pas, elle se dévoile progressivement, quand l’intériorisation de la connaissance intellectuelle et la méditation ôtent tous les strates mentaux qui la masque. Elle est alors là, comme un guide intérieur qui nous attend !..
La rencontre avec un véritable Réveillé est une chance inouï, tant par les enseignements intellectuels qu’il donne, les exercices spirituels qu’il propose, que par l’enseignement direct de coeur à coeur que l’on peut recevoir.

 

Note 4 :

Méditation et connaissance :

« Ne me dit pas ce que tu sais, mais comment tu le sais » (Kébir)

 

   Une connaissance intellectuelle précise et rigoureuse est très importante sur le chemin spirituel. C’est la fonction des textes sacrés, des enseignements des saints et des sages que de nous fournir un cadre conceptuel qui soit comme des cartes qui nous guident sur les routes improbables de nous-mêmes, et aussi de nous fournir des supports de méditation.
Dans ce cas, méditer c’est mettre toute son attention sur un concept, une phrase, qui soit pour nous comme une énigme à résoudre. Non seulement une énigme intellectuelle, mais une énigme existentielle, lourde de sens, voire « vitale ». Sur le chemin de la connaissance de soi, on engage la totalité de soi-même !.. On est en même temps l’expérimentateur , la chose expérimentée et le fruit de l’expérience…

   Ces énigmes/concepts dont nous cherchons la clé, viennent des profondeurs de la conscience. Ils sont d’abord vibrations subtiles, puis ils arrivent à la surface de notre conscience sous forme de mots connus. Méditer sur ceux-ci, c’est faire le chemin inverse. Partir du mot et de la surface de la conscience, et s’enfoncer avec eux vers les abysses de soi. Puis les suivre aussi profond qu’ils nous mènent en suivant les méandres de leurs parcours. C’est comme remonter à la source d’un fleuve. Ici en l’occurrence, remonter le fleuve de l’être/conscience, vers le point zéro.

 

Note 5 :

La méditation du coeur :

« La noblesse d’âme s’acquiert lorsque l’on atteint le coeur du coeur » (Siddharameshwar Maharaj)

 

   En occident chrétien, on l’appelle l’oraison ou prière du coeur. Cette méditation consiste à partir à la rencontre de Celui que notre coeur vénère en silence. Il est, en effet, un grand mystère au coeur de notre coeur. Ici, la pure présence est compassion, amour infini, sans cause externe, c’est le parfum spontané du coeur profond.
L’ouverture du coeur peut se produire spontanément, mais elle peut aussi être aidée par des louanges à son Dieu, par des prières pour tous les êtres, par des mantras qui répètent le nom de Dieu… Pour cela, toute l’attention doit être mise sur le centre du coeur, sur ce point infini qui est passage pour l’amour universel, du dedans vers le dehors. Le coeur éveillé aime sans effort tous les être, et loue spontanément la source de toutes choses. C’est lui, le dévot !..
Mystère des mystères, au plus intime du coeur, comme l’exprime les mystiques chrétiens, l’âme rencontre son amant infini, et ne rêve que de s’unir avec lui, jusqu’à s’y fondre. Dit autrement, la pure présence est au contact de l’indicible ni ignorant, ni connaissant, et s’y abandonne. « Pas ma volonté Seigneur, ta volonté. » Le coeur profond recueille la rosée primordiale, et ainsi nous guide en murmurant sa chanson sans mots…

 

Note 6 :

Méditation et oubli :

« Oubliez tout, et ce qui reste c’est vous-même » (Rangit Maharaj)

 

   Dans le bref échange que j’ai eu avec le sage indien Rangit Maharaj, après lui avoir dit que je m’intéressais à la Réalité, il m’a répondu : « La Réalité c’est vous-même. Oubliez tout, et ce qui reste c’est vous-même. » Voilà un koan profond, un bel os à ronger. Je me suis mis au travail, sans plus attendre. Je n’ai plus revu Rangit Maharaj, mais j’ai pour lui une reconnaissance infinie…
Sur ce chemin de l’oubli de soi , j’ai croisé deux bornes : l’être et le néant. L’être, dans la conscience vide et lumineuse du silence au delà des mots. Le néant, dans les déserts arides où même l’égo et la conscience suffoquent… Il me fallut comprendre que l’un et l’autre sont des concepts et des expériences à lâcher. Ma nature la plus primordiale est au delà de tout concept et de toute expérience. Elle est insaisissable, inexprimable…
Comment conquérir ce que nous sommes ? Aucun chemin ne mène à soi !.. On peut seulement oublier le « faux », pour qu’il ne reste que le « vrai ». Un vrai qu’on ne peut expérimenter. Une main peut-elle se saisir elle-même ?.. L’astuce, dit encore Rangit Maharaj, « c’est d’oublier tout en se ressouvenant, de se ressouvenir tout en oubliant ». Oublier toute connaissance permet de ressouvenir de soi. Se ressouvenir de soi dissout tout savoir, toute expérience..

 

Note 7 :

Méditation et vie quotidienne :

« Etre celui sur la rive qui regarde, et celui qui nage dans la rivière. » (Lao Tseu)

 

   Toutes les formes et pratiques de méditations n’ont à mon avis qu’un seul but : la méditation naturelle et spontanée dans la vie quotidienne. Méditer dans la vie quotidienne, c’est ne pas se laisser emporter par le tourbillon du monde. C’est garder le contact avec la pure présence, le témoin neutre. C’est ne jamais perdre le fanal de la réalité primordiale au delà de toutes choses et de toute conscience.
Le réveillé vit comme tout un chacun. Mais il n’est pas identifié à ses perceptions, ses émotions et ses pensées. Il en est l’observateur tout en les vivant. Son corps/esprit agit, mais lui n’est pas l’agissant. Il a les pieds bien enracinés sur le sol, l’esprit attentif, libre, joyeux, et le coeur ouvert, disponible… Mais lui, se tient en deçà, sans espace ni temps.
Le méditant fait retour vers l’origine de lui-même. Il part du monde visible et cristallisé, le monde matériel. Puis il voyage vers des mondes de plus en plus subtils, et le voyage devient alors spirituel. Notre nature spontanée n’est ni matérielle, ni spirituelle. Elle échappe à toute connaissance, à toute maîtrise… Le réveillé oublie tout savoir sur lui-même, et laisse jouer, dans le théâtre du monde, sa nature primordiale…